C'est un album de photos à la couverture gris vert. Un de ces albums comme on en trouve dans les sous-sols des librairies d'occasions, les arrières-boutiques des brocantes, les cartons des morts, souvenirs d'un siècle défunt, d'un pays à l'autre, d'une ville à l'autre — cette fois-ci encore, un album moscovite.
Un album de famille, à première vue.
Une famille dans le siècle loup, ce siècle qui s'est jeté sur ses enfants pour mieux les dévorer, de la Carélie au Ienisseï.
En le feuilletant, on découvre des pages presque vides. J'ai moi-même quelque part un
album de famille dans un état similaire : les photos en ont été
décollées pour être classées ailleurs — ou juste pour tenter d'effacer des souvenirs cruels.
Peut-être en est-il de même ici
et qu'avant de jeter l'album quelqu'un a pris soin de décoller les
photos qui lui plaisaient le plus, celles qu'il voulait conserver, dont
le souvenir lui tenait à cœur — ou au contraire celles qui lui rappelaient les pires moments de son existence.