dimanche 22 décembre 2019

Sous le saule

A Neuvy, été 1969, toute une famille sous le saule et mon père derrière l'appareil photo
А я росла в узорной тишине,
В прохладной детской молодого века.
И не был мил мне голос человека,
А голос ветра был понятен мне.
Я лопухи любила и крапиву,
Но больше всех серебряную иву.
И, благодарная, она жила
Со мной всю жизнь, плакучими ветвями
Бессонницу овеивала снами.
И — странно!— я ее пережила.
Там пень торчит, чужими голосами
Другие ивы что-то говорят
Под нашими, под теми небесами.
И я молчу... Как будто умер брат.
 J'ai grandi dans un silence à ramages
Dans ma chambre d'enfants fraîche d'un jeune siècle.
Et la voix des hommes me laissait insensible,
Mais la voix du vent, je la comprenais.
J'aimais la bardane et j'aimais l'ortie,
Mais plus que tout le saule argenté.
Et lui, reconnaissant, il a toujours vécu
A mes côtés, et de ses branches en pleurs,
Il éventait de rêves mes insomnies.
Et, chose étrange ! Je lui ai survécu.
Une souche se dresse là, et d'autres saules
Se parlent avec des voix qui me sont inconnues,
Sous ces cieux qui furent jadis les nôtres.
Et je me tais... Comme si était mort mon frère.

Anna Akhmatova, janvier 1940


La maison d'enfance est toujours là. Le jeune saule, lui, a grandi comme les enfants ont grandi, il a étalé toujours plus loin ses longues branches jusqu'à menacer les murs et les toits. L'arbre a été abattu, sa souche tuée l'été suivant — quand était-ce ? Il n'y en a plus trace depuis si longtemps.

Il ne reste rien de cette lumière verte qui jouait sur les murs de la salle à manger dans le soleil de la fin d'après-midi.
Rien de cette maison de feuilles où nous jouions.
Rien de cette haute cage à oiseaux.
Rien de sa coupole verte au-dessus de nos têtes.
Rien de ces lianes auxquelles nous nous balancions.
Rien du parfum de ces lames de feuilles.
Rien du bruit du vent le soir quand toute la masse argentée dansait dans le couchant.

Et le photographe n'est plus, mon petit frère non plus.

J'aimais la bardane et j'aimais l'ortie.

Poème traduit par Sophie Benech.

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