De réfrigération, point trop n'en faut, ça enlève le goût de la viande.
J'aime le jaune ici.
On emmène sa grand-mère.
On cherche, on teste, on marchande.
On vend les produits de son jardin à qui passe par là. Nous, personnellement, on cherche plutôt de l'argent (ce qui apparaît légèrement contre-intuitif en arrivant de France). A Tachkent, le grand bazar est le meilleur endroit, dit-on, pour acheter des soums (la monnaie ouzbèke) au cours le plus avantageux qu'offre le marché noir. Alors — à 7.700 soums pour un euro, ça nous fait 770.000 pour cent euros et, si la coupure la plus usitée est celle de 1000 soums, ça nous fait 7.700 billets à fourrer dans nos sacs. Sans en faire tomber une liasse au passage.
On admire les étals. On continue de calculer intérieurement. S'il faut 7.700 soums pour faire un euro, alors mes billets de 1000 soums représentent, à la louche, 12 centimes. Les landaus recyclés s'alignent sur la rue, du lait, des fruits, quelques oignons, des bonbons. Des chaussettes, des pinces à cheveux, des lunettes de soleil, des sous-vêtements.
De toute manière, on ne sait pas trop quoi acheter. Les billets de 1000 soums prennent tant de place dans mon sac que je ne saurais y ranger quoique ce soit de plus. Le seul moyen de faire de la place serait de dépenser cet argent. Evidemment. Mais ça va prendre du temps.
On achète des chaussettes.
ГУШТ, c'est la viande. Pas de jeunes filles en robe jaune à cette boucherie mais une femme qui fait griller des chachliks, son visage rougi par la chaleur.
Dans chaque sac, une variété différente de riz, la grande production du Khorezm. Riz d'Ourgench, riz de Noukous.
Elle passe, il passe. J'aime le bleu des parasols. J'aime le rouge du sac sur le vélo. J'aime le bleu du vélo. Et le noir des corps, le noir des ombres.
Khiva, ses murs de brique crue qui enferment la vieille ville.
Il y a beaucoup de bouchers à Khiva. A vrai dire, la viande est un élément essentiel de la nourriture ici. Avec le riz.
J'aime la toile blanche tendue derrière la viande pour mieux la mettre en valeur.
J'aime les balais de joncs.
Et les œufs, œufs de poule, œufs de caille, assortis aux murs, assortis au sol en éclats coquille d'œuf.
J'aime le rouge du manteau. J'aime le bleu A & C Aygen collection. J'aime les petits garçons qui vont par paire, bras dessus bras dessous.
Et les sacs en plastique aux marques soi-disant occidentales et prestigieuses qu'on achètera avec le pain pour faire comme si. Comme si on allait régulièrement faire ses courses à Hong-Kong, à Caracas, à Londres, à Tcheliabinsk, à Madère.
On se demande à quoi serviront ces cuvettes vides. On trouve la réponse tout près.
On passe devant les poulets, on pense que la température n'a pas fini de monter, qu'il fera 30° cet après-midi et sans doute bien plus le mois prochain. On décide d'être végétarien sur les jours qui suivent. On oubliera sans doute dès ce soir.
Ou alors se nourrir de sucre.
Et de bonbons.
On achète des bonbons. On visite une pharmacie. On achète des fruits et une paire de chaussures. On est tenté par les petits pâtés fourrés à la viande qu'on cuit sur place mais on renonce une fois qu'on a vu comment on les faisait. On cherche une fermeture éclair, un réparateur. On plonge un doigt au passage dans les épices.
On observe les gens qui passent.
Les jeunes filles en ballerines avec des collants beige brillants.
Les types du marché noir qui attendent à côté de leurs sacs de billets de banque.Les mamies qui téléphonent.
Les cyclistes.
Les costumes traditionnels, les robes fleuries, les bonnets carrés. D'autres cyclistes.
Le four à pain mobile.
Les élégantes.
Les marchandes trop pauvres pour avoir un étal et qui se posent par terre avec leurs trois sacs de pois.
Les clientes qui soutiennent le plus petit des petits commerces.
Les couleurs. Le jaune des pommes, le bleu du foulard, le rouge et le vert et le rose.
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