mercredi 18 décembre 2013

Daguerréotypes (3)


 
















Ce descendant de Canarien (à gauche) est l'un des tous premiers non européens à avoir été photographié, sans doute à Paris. Son portrait, réalisé par Louis-Auguste Bisson vers 1841 et reproduit en lithographie, illustrait la première publication scientifique à présenter des daguerréotypes permettant d'apprécier les caractères anatomiques des crânes, aux côtés de reproductions de moulages — le tout en pleine vague d'intérêt pour la phrénologie. Quant à lui, l'indien Botocudo du Brésil (à droite) s'appelait Manuel. Il a été photographié par E. Thiesson à Lisbonne en 1844 avant de visiter Paris. Le portrait est publié dans l'Illustration en février 1845 et présenté à l'Académie des sciences puis au Museum parallèlement aux moulages réalisé sur le corps de Manuel. Ainsi, aux côtés des portraits familiers qui sont réalisés de plus en plus rapidement et à moindre coût en Europe, aux côtés des images artistiques, des paysages, des monuments, on voit naître une photographie "scientifique" appelée à illustrer récits de voyages et ouvrages à vocation anthropologique.
Charles Guillain, Soumali avec ses armes, 1847-48
Ces daguerréotypes, conservés au musée des Arts premiers du quai Branly, proviennent d'une mission particulière : celle de Charles Guillain qui a voyagé de 1846 à 1848 sur le brick Du Couédic. Parti pour un voyage d'exploration, il longe la côte des Somalis et débarque à Zanzibar en pleine guerre de succession. En voulant descendre à terre, la chaloupe embarque un paquet d'eau de mer au passage de la barre et tous les appareils furent mouillés. L'humidité saline, sans détériorer totalement les plaques, a nui à leur préparation ultérieure et Guillain n'obtint plus que des épreuves nuageuses qu'il se résigne à conserver.
Ainsi pouvons-nous admirer aujourd'hui ces portraits d'individus secrets comme de personnalités dont le nom rayonne comme un talisman — Aziza, nièce du gouverneur de Zanzibar. Solennellement revêtue de ses plus beaux atours, couverte d'or, de soie et de bijoux, de perles de verre et d'anneaux, Aziza se perd en une masse grisâtre avec une tache comme un masque de mutisme sur le visage que Guillain inscrit sur la plaque de métal. D'autres, restés anonymes, regardent les uns vers un lointain inconnu quand les autres nous fixent solennellement.
Charles Guillain, Aziza, Zanzibar, 1846
Charles Guillain, Femmes medjeurtines, 1847-48
Charles Guillain, Jeune femme de Moguedchou, janvier 1848
Henri Jacquart, Chinois, 1851
Henri Jacquart, Arabe de la plaine, 1851
Henri Jacquart, Ali-Ben-Moussa, né à Berrami, près Tripoli, 1851
Henri Jacquart, Hamoud Ben-Mohamed, Alger, 1851
Henri Jacquart, Hamoud Ben-Mohamed, Alger, 1851
Henri Jacquart, quant à lui, ne voyage pas. Ses daguerréotypes d'Algériens, il les réalise à Paris lors du séjour d'une troupe de cavaliers arabes venus faire des démonstrations de fantasia pour les Parisiens sur le Champ de Mars en 1851. Ces Arabes d'une terre conquise seulement vingt ans plus tôt acquièrent ici plutôt le statut d'artistes de variétés.

Ailleurs aussi, loin de France, les peuples des terres juste conquises font leur entrée dans la photographie.
C'est la plus ancienne photo d'un tipi. Daguerréotype de Carvalh remontant aux expéditions de John Fremont (Library of Congress) : village cheyenne à Big Timber (1848 à 1853).
Parmi les missions d'exploration dont le daguerréotype a gardé la trace, une rencontre soit avec des Indiens Potawatomi, Chippewa et Ottawa sur la rive nord du Missouri près d'Omaha, Nebraska, Indiens déplacés depuis l'Iowa, l'Illinois et le Wisconsin par le traité de Chicago de 1833-34, soit avec des Indiens Omaha venus en délégation visiter Washington D.C. en 1851 sous la conduite de Joseph Ellis Johnson, Henry W. Miller et Francis J. Wheeling, tous trois mormons. Il s'agissait d'une part de demander au gouvernement assistance contre les déprédations menées par les Sioux, Pawnee, Kansa, Otoe et Osage, ainsi que par les émigrants qui traversaient l'Iowa et le Nebraska à travers le territoire des Omaha ; et d'autre part, d'obtenir une assistance technique pour le développement de l'agriculture dans les réserves de l'Iowa.


Les deux daguerréotypes ont été retrouvés parmi les photo de la collection archéologique et ethnographique de Lewis Henri Morgan du Rochester Museum & Science Center, à Rochester, New York
Pour financer leur voyage et leur séjour dans les grandes villes de l'Est du pays, ils se sont produits dans divers lieux de spectacle, ils ont dansé et chanté et — ils ont vendu leurs portraits. Le premier daguerréotype a été réalisé par William H. Scovill et J. M. Lamson, qui furent actifs à Waterbury, Connecticut, entre 1839 et 1854. Le second est sans doute une copie ultérieure d'une première plaque disparue.  Deux des personnages figurants sur le premier cliché ont été identifiés sur des photos conservées aux National Anthropological Archives de la Smithsonian Institution à Washington — vers 1851.
Il apparait au premier rang à gauche sur la photo de groupe, Gahíge-ziga ('Chef'), connu également sous le nom de Garner Wood.
Toujours au premier rang, le second à partir de la droite, Yellow Smoke, avec son large médaillon métallique.

 

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