vendredi 2 mars 2018

Murmures, murs

tu te doutes de la patience
de cette terre fauve
quand ses yeux s'absentent
pour s'ouvrir sur le bleu
qui colore son sens

comme toi comme le poème
cette terre est née
du regard qui l'a rêvée

la vie est une traversée
entre deux rives

analogie des marges
lent mouvement vers l'inachevé
chant d'innocence et de mémoire

scribe dans la nuit de la langue
quand la nuit parle la langue du néant
tu es sur cette terre
pour cultiver ton âme
apprivoiser ce qu'il y a d'humain
dans l'angoisse
habiter la parole de la parole
et conserver la promesse du poème

Amina Saïd, Au présent du monde, Éditions de la Différence, 2006

Deux ans, un mois, quelques jours


Ce n'est pas parce que tu es dans une prairie
Plus haute que la tête des hommes
Que tu es mort
Le vent entraîne les feuilles à la terre
Comme un rivage et un soupir

J'annonce à ceux que tu as connus
Ton obéissance à la solitude
Et ton passage avec des animaux`
Sur une montagne
Où le bruit est éternel quand on le touche

Et rappelle-toi ce qui faisait ici-bas
Le charme :
Les saisons et la femme sans innocence
En vérité peu de choses à dire aux ombres
O mémoire de la vie

Georges Schehadé, in L'oeil double de Gaëtan Picon, éd. du Centre Georges Pompidou, 1979.